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La sortie poésie de Vincent : Voguer de Marie de Quatrebarbes (POL éditeur)

 

Au point de départ de ce Voguer de Marie de Quatrebarbes, un film documentaire, Paris is Burning de Jennie Livingston, sorti en 1991. On y voit de jeunes homosexuels ou transgenres afro-américains, danseurs de voguing, mouvement né dans les années 70, s’affronter par équipes, appelées « Maisons », dans des clubs d’Harlem principalement.

C’est un des personnages emblématiques de ce film qui ouvre ce livre et lui donne le ton. Ce personnage c’est « Venus Xtravaganza, fille de la Maison Xtravaganza, retrouvée morte dans sa chambre d’Hôtel en 1988 ». Puis viennent Pepper Labeija, autre personnage de ce film et mère d’une autre Maison, « un garçon disparu à l’angle de l’avenue Pasteur et de la rue Magellan, un soir d’août 2017 », Pier Paolo Pasolini (à travers son amant Ninetto) et enfin Heinrich von Kleist.

Cinq personnages auxquels Marie de Quatrebarbes adresse cinq « prières » puisque tous sont morts tragiquement ou douloureusement, corps assassinées, malades ou suicidés. Et pourtant, malgré l’oppression subie par ces corps, ce que nous montre Marie de Quatrebarbes n’est pas seulement, pas principalement, la violence qui leur est faite mais surtout leur liberté, leur énergie, leur puissance politique, bref leur puissance désirante. C’est là l’axe principal de ce livre, ce qui le porte et porte le lecteur, la question du corps, du mouvement et du désir, tous trois intimement liés.

Et puis, c’est un livre admirable également par sa construction et par les questions qu’il pose et les pistes qu’il ouvre quant à l’écriture poétique aujourd’hui. Déjà parce que sa structure principale s’appuie sur des personnages, chose plutôt rare en poésie et bien souvent périlleuse. Aussi parce qu’il multiplie les formes : la prose, les phrases coupées, les vers libres, les citations, les emprunts. Et enfin parce qu’il travaille justement cette question qui traverse la littérature et l’art en général aujourd’hui, celle de l’emprunt, de la citation ou du détournement d’autres œuvres, le livre se terminant sur cette phrase : « Peut-être […] n’écrit-on que depuis les lambeaux d’une mémoire que l’on récite comme un perroquet. » Et ici les sources sont nombreuses et variées, au premier rang desquelles le cinéma bien-sûr, comme souvent chez Marie de Quatrebarbes, mais aussi les auteurs qui apparaissent dans ces « prières », Pasolini, Von Kleist, ou encore Plutarque, Simonide, Lucrèce, Kierkegaard (qui « cite Leibniz, citant Horace ventriloquant Tirésias ») que l’autrice utilise en conclusion ou prolongement de chaque partie. Ce livre nous emmène ainsi vers d’autres livres, vers d’autres œuvres et ne se contente pas de parler de désir mais en crée aussi, notamment le désir de voir des films, de lire ou relire des auteurs et autrices, c’est souvent là le signe des grands livres.

 

Et pour aller plus loin... la bande-annonce de Paris is burning :

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voguer